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Le seul fidele amant le peut dire à soy-mesme,
Car l’un et l’autre d’eux en son cœur fut extréme :
Sur tout quand il advint qu’en regardant de pres
De ce fantosme aimable et la forme et les traits,
Il en vit le regard s’occuper à relire
Un papier que l’amour luy fist un jour escrire
À sa belle deesse afin de luy conter
Quel ennuy le souloit loin d’elle tormenter.
Car la douce gayeté que ceste saincte image
Faisoit en le lisant rire sur son visage,
Luy sembloit ainsi dire, (ou bien s’il s’abusoit
Ce favorable abus le trompant luy plaisoit)
Puis qu’avec un penser plaisant à la memoire
Qui cherit le trophee il aime la victoire,
Ces gages amoureux tesmoins de ton desir,
Gardez avecques soin, veus avecques plaisir,
Monstrent ta calithee aimer la souvenance
De ta fidelle amour, servitude et constance,
Et son cœur genereux où l’honneur fait sejour,
Ne hair point l’amant dont elle aime l’amour.
Mais pourquoy son desir se retient de produire
Les rayons de ce feu qui souloit y reluire,
Ce sont secrets d’amour que sa bouche et le temps
Quelque jour apprendront à tes esprits contents :
Cependant persevere en l’ardeur de ta flame,
Et tien pour asseuré, que l’amour d’une dame
N’est jamais si brulant que quand il est contraint
Par quelque injuste loy de se monstrer esteint.
Ainsi sembloit parler en son muet langage
Le sousris amoureux de ceste belle image,
Qui tenant les esprits de Timandre charmez,
En repeut quelque temps les regards affamez :
Puis soudain disparut, comme on voit qu’une idole
Venuë avec le songe avec luy s’en revole.