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Tous trois pareils en sort, et tous trois differens :
Car l’un perdit la vie au fort d’une bataille,
Noyé dedans son sang coulant de toutes parts :
L’autre au front d’une ville assaillant sa muraille :
L’autre en defendant une et gardant ses rempars.
Ils bruslerent tous trois d’une commune flame
Dont la sainte vertu fut l’unique flambeau :
Leurs trois corps en vivant n’eurent qu’une mesme ame :
Leurs trois cœurs estans morts n’ont qu’un mesme tombeau.

SUR MORT FILLE MME DE LA BARRE

Les rayons de vertu trop clairs et trop luisans
Qu’on te voyoit espandre en de si tendres ans,
Devoient estre à nos cœurs une preuve asseuree
Qu’une bien fraisle vie et de courte duree
Te tiendroit (ô belle ame) attachee icy bas
Aux nœuds qui sont tranchez par la faux du trespas.
Le froid gele les fleurs qui trop tost s’enhardissent
D’annoncer la saison où les prez s’en tapissent,
Et nul fruit trop tost meur ne se voit arriver
Jusqu’au retour des mois successeurs de l’hyver.
Car la fiere rigueur du sort inexorable
Qui ne veut rien d’heureux au monde estre durable,
Semble avoir ordonné que pour un chastiment
D’estre trop tost parfaict on ne soit qu’un moment.
Qui jamais veit éclorre en l’avril de l’enfance
Tant de fleurs de bonté, de douceur, de constance,