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Le corps que ce tombeau dans son giron enserre,
Tout converty qu’il est en insensible terre,
Ornant ce que l’on croit luy servir d’ornement,
Doit faire à l’advenir luire son monument
Du lustre des vertus qui vivoient en son ame
Pendant que de ses jours il prolongeoit la trame :
Le ciel l’ayant voulu richement decorer
De tout ce que jadis on souloit reverer
Comme effects de constance et grandeur de courage
En ces nobles heros cogneus du premier âge :
Soit qu’on ayme un esprit qui plein de liberté,
Fuyant d’estre flatteur, fuyant d’estre flatté,
Suit la verité seule, appris à la defendre,
Et se plaist à la dire, et se plaist à l’entendre :
Soit qu’on esleve au ciel les actes genereux
D’un cœur vrayment françois, et vrayment valeureux,
Qui d’honneurs immortels rendant sa vie ornee,
Au sanglant lict d’honneur en fin l’a terminee :
Soit qu’en ce siecle ingrat, et barbar, et sans foy,
L’on estime un sujet qui fidelle à son roy
Vueille à clos yeux pour luy courir toute fortune,
Et dont en divers sors l’ame est tousjours toute une,
Sans qu’aucuns accidents la puissent démouvoir
De l’immortel soucy qu’elle a de son devoir.
Car si jamais esprit abhorra la feintise,
Fist en tous ses propos reluire sa franchise,
Resista constamment aux assauts du malheur,
Eut le courage armé de force et de valeur,
Fut fidelle à son prince, et d’un cœur magnanime
Hait l’ingratitude, et la tint pour un crime,
Les astres ont voulu que c’ait esté celuy
De qui le corps sommeille en ce funebre estuy.
Tesmoins les accidents dont le cours de son âge,
Passé tantost en calme et tantost en orage,
A veu la destinee exercer sa vertu,
Sans voir d’aucun malheur son courage abbatu :