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ELEGIE TRESPAS M. DE NOAILLES

Passant, ce peu de terre enferme en ses entrailles
Le froid et palle corps du vaillant De Noailles
À qui rien en vertu ne fut oncques pareil,
Tout ainsi qu’en clarté rien ne l’est au soleil :
Soit qu’on admire en luy les graces naturelles
Qui servent d’ornements aux beautez corporelles,
Soit celles dont la gloire embellit les esprits,
Et de qui le labeur est le maistre et le prix.
Il estoit beau, courtois, eloquent, agreable,
Sage en ses actions, en ses dits veritable,
Magnanime, discret, plein d’extrême valeur,
En son bon-heur modeste, et constant au malheur :
Bref, afin qu’en courant ses merites je passe,
Il estoit si parfait qu’il rendoit de sa grace
(comme du rare honneur de ce temps vicieux)
Toute femme amoureuse et tout homme envieux.
Apollon le premier enseigna son enfance,
Ornant de ses beaux arts sa future vaillance :
Puis Mars en print la charge, et parmy ses hazards
L’instruisit au mestier des plus braves Cesars.
Combien il profita sous l’un et l’autre maistre,
Parlant et combattant il le faisoit parestre,
Ses eloquens discours monstrans qu’il n’avoit pas
Moins de sçavoir au front que de valeur au bras.
Ce qu’il eust bien fait voir és dernieres allarmes
Où la France a versé tant de sang et de larmes,