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Faisant d’entre mes bras par la mort arracher
Tout ce que mon esprit eust jamais de plus cher,
Et qui tant contentoit et ma vie et ma veüe,
Qu’en estant l’une et l’autre à jamais despourveüe,
Le voir m’est superflu, car je ne voy plus rien,
Et le vivre odieux, privé de tout mon bien.
Clair astre des françois, roy juste et magnanime,
(luy respondit alors l’ombre de Caleryme)
Nulle hayne des cieux poursuivant ta valeur
Ne m’a ravie à toy pour t’emplir de douleur :
Le ciel aime ta gloire, et sans cesse conspire
Avec tes saincts pensers pour l’heur de ton empire :
Mais le bien de l’estat conservé par tes mains
Veut que cedant aux vœux d’un million d’humains,
Tu r’engages tes ans dans les nœuds d’Hymenee :
Et je n’estois point celle à qui la destinee
Avoit promis l’honneur d’estre conjointe à toy
Par les sacrez liens de la nopciere loy :
Bien que la France ait creu, veu ton amour extréme,
Que pour me faire part du royal diadéme,
Ton esprit embrasé d’une si longue ardeur
Eleveroit ma vie à ce poinct de grandeur.
D’autres chaines d’amour, d’autres flames t’attendent,
Et ja d’entre les dieux, invisibles, descendent
Au cœur d’une princesse à qui l’heur des françois
Reserve ceste gloire en ses fatales loix.
Princesse qui ne cede à nulle ame qui vive
En rien dont la douceur les plus libres captive :
Qui rend de ses beautez l’amour mesme amoureux :
Qui nourrissant son cœur de soins tous genereux,
Joint aux graces du corps les richesses de l’ame,
Et les vertus d’un homme aux beautez d’une dame.
Je ne la nomme point, si ce n’est la nommer
Qu’avec ce peu de mots ses graces exprimer :
Car estant icy bas ses vertus sans pareilles,
Et desja ses beautez ayant de leurs merveilles