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 LA MORT DE CALERYME

Six jours s’estoient passez depuis l’heure funeste
Qui cachant pour jamais le grand flambeau celeste
Aux yeux de Caleryme, enrichit de tombeau
De tout ce que la France eut jamais de plus beau :
Qu’encor ny nuict ny jour la douleur d’Anaxandre
Lamentant ceste mort ne cessoit de respandre
Des pleurs et des sanglots, sans s’en pouvoir souler,
Ny ceder aux raisons qui l’osoient consoler,
Quand au fort du sommeil qui seul avec ses charmes
Enchantoit ses douleurs et le cours de ses larmes,
En songe elle parut devant ses tristes yeux,
Telle que paroistroit un bel ange des cieux
Qui descendu naguere en ces plaines mortelles,
Prendroit un corps visible et cacheroit ses ailes :
Encor que de ses yeux les paisibles éclairs
Ne se monstrassent plus si flambans ne si clairs,
Et que dessus son front et par tout son visage
N’esclatast plus alors avec tant d’avantage
Ce teint qui ravissoit de sa vive fraischeur
À la nege des monts le prix de la blancheur.
Car le mortel ennuy dont elle estoit pressée
D’esloigner pour jamais le bien de sa pensee,
Joint au juste regret de voir finir ses ans
Alors qu’ils luy couloient si doux et si plaisans,
Ternissoit les rayons de sa grace premiere,
Desanimoit ses yeux de leur vive lumiere,
Et cruel violoit de son secret effort
Ce qu’avoit respecté l’oeil mesme de la mort.
Si tost donc qu’Anaxandre apperceut sa figure
Sombrement éclairer parmy la nuict obscure,