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Ce que le protecteur des justes diadêmes
Rend venerable et saint au cœur des bestes mesmes.
Et toy, valeureux roy, la terreur des mutins,
La gloire de nos ans, et l’heur de nos destins :
Prince à qui le grand roy que ce plomb environne
En mourant resigna son sceptre et sa couronne :
Lors que ton bras armé de fer et de valeur
Aura conduit tes pas triomphans du malheur
Dans ces rebelles murs où sans peur de tes armes
Par mille feux de joye on se rit de nos larmes :
Autant que te sont chers, autant qu’ont de pouvoir
Dessus toy ton honneur, ton salut, ton devoir,
Puny ce parricide, et dessus les coulpables
Lance de ta rigueur les traits plus redoutables,
Tant que mesmes les morts deuz à ce chastiment
En fremissent de crainte au fond du monument.
Chasse alors de ton cœur ceste illustre clemence
Que l’on dit y reluire avec tant d’eminence :
Estre icy trop clement ce seroit cruauté :
Pense qu’aux rois trop bons nuist souvent leur bonté :
Que souvent le pardon les injures convie :
Que punir ce forfait c’est asseurer ta vie.
Souvien toy des propos que tu tins en pleurant
À ce genereux prince, alors que luy jurant
D’user à le vanger le fil de ton espee
Tu luy baisois la main de tes larmes trempee.
Qu’à l’heure tout sanglant il s’offre devant toy
Te demandant vengeance, et conjurant ta foy
De joindre en un mesme acte autant sainct que severe,
À l’equité d’un roy, la pieté d’un frere.
Si vainqueur tu le fais les siecles à venir
S’en verront pour ta gloire à jamais souvenir,
Comme d’une vertu que cet âge barbare
Rend en un successeur autant belle que rare.
Ta gloire t’y convie et les vœux infinis
D’un million de cœurs dessous ton sceptre unis,
Qui pour te voir l’esprit touché de ceste envie,
D’un zele plus ardant te consacrent leur vie.