Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/242

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ne doive apprehender qu’au milieu de sa garde
Le moindre de son peuple un jour ne le poignarde,
Si ses faits, si ses dits injustement pesez
Ne sont tous par la vie à son gré disposez.
Et vous rois dont la gloire en nul temps ne se passe,
Qui de ce grand empire avez fondé la masse,
C’est vous de qui ce meurtre offense la grandeur,
Sur tous ceux qui du monde habitent la rondeur :
Car ce sang espandu sans respect sur la terre,
Non par un coup de lance és perils de la guerre,
Mais par le vil acier d’un couteau malheureux,
C’est vostre propre sang, c’est ce sang genereux
Qui prenant source en vous, et depuis tant d’annees,
D’un cours vainqueur du temps, vainqueur des destinees
Coulé jusques à nous par deux ruisseaux divers
A donné tant de rois à ce grand univers.
Princes dont la vertu fut au monde un miracle,
N’estes-vous point émeuz d’un si triste spectacle ?
Ou bien si nostre sort vous estant à mespris
Ces maux ne troublent point la paix de vos esprits,
Bruslez vous point au moins d’une saincte colere
Voyant devant vos yeux la fierté populaire
Fouler aux pieds le sceptre, à qui l’heur de vos mains
Avoit assujetty l’orgueil de tant d’humains,
Et que vostre vertu rendit si redoutable
Aux rois plus redoutez de ce rond habitable ?
Ô princes valeureux, si sans vous offenser
Vous laissez devant vous ces outrages passer,
Vos esprits ont esteint leurs genereuses flames,
Ou le soin de la France est bany de vos ames.
Mais un si juste soin n’en peut estre bany :
Non, vous ne lairrez point ce forfait impuny,
Ains vous en ferez choir la severe vengeance
Sur les rebelles chefs dont l’impie arrogance
Ayant barbarement cet estat desolé,
Par un tel sacrilege en fin a violé