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Car quel meurtre de prince à cestui-cy pareil
Veirent onc icy bas les grands yeux du soleil ?
Helas ! Ce meschant acte (à qui bien le contemple)
Comme il est sans excuse, et aussi sans exemple.
Un puissant roy de France extraict de tant de rois,
Qui des civiles mers passant tous les destrois
Avoit d’un cœur égal aux plus braves courages
Sans naufrage enduré tant de sanglans orages :
Un roy que cent canons vers sa teste pointez,
Que tant de coutelats martelans ses costez,
Et taschans de plonger leur pointe en ses entrailles
N’avoient point offencé mesme au fort des batailles :
Le malheureux cousteau d’un traistre son sujet
De qui rien ne sembloit plus vil ny plus abjet,
L’a despoüillé de vie en sa chambre royale,
Presque devant les yeux de sa garde loyale,
De sa noblesse armee, et de la jeune ardeur
De vingt mille soldats marchans sous sa grandeur.
Ô prodige effroyable ! ô signe manifeste
De la rage mortelle, et de l’ire celeste !
Ah ! Bourreau desloyal, sentis-tu point trembler
Tes sacrileges mains, et ton sang se troubler
En tirant le cousteau dont le fer detestable
S’apprestoit au hazard d’un coup si lamentable ?
Ton front à tout le moins pallit-il point d’effroy
Te sentant de ta main meurtrir ton propre roy,
De qui la seule image en ta memoire empreinte
Devoit remplir ton cœur de respect et de crainte ?
Qu’esperoit ta fureur ? Que t’en promettois-tu ?
Quoy ? Le throsne des loix par la guerre abatu
S’alloit-il relever par ceste mort cruelle,
Et faire naistre en France une paix eternelle ?
Quoy ? L’amour de la foy dont ton habit menteur
Te monstroit par dehors d’estre ardant zelateur,
Trouvoit-elle en celuy que ta brute ignorance
Voüoit pour successeur au sceptre de la France,