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Fournissez d’aliment aux flammes de la guerre,
Par qui tout est destruit en ceste pauvre terre,
Si de vos fiers esprits soulans l’inimitié
Nos maux n’ont point changé vostre envie en pitié,
Faites des feux de joye, et rendez tesmoignage
Par vos chants redoublez du dueil qui nous outrage.
Car si jamais la France esprise des fureurs
Qui ravissent le sceptre aux plus grands empereurs,
Baignant dedans son sang sa dextre impitoyable
À vos yeux a fourny de spectacle agreable,
Ce sera desormais que vos cruels desirs
Auront pour passetemps ces tragiques plaisirs.
Desormais vous verrez cent nouveaux petits princes
Démembrer en cantons nos rebelles provinces :
Le peuple violant son devoir et sa foy,
Armer ses bras mutins contre son propre roy,
Voire en oser aux pieds fouler le diadême,
Et luy, l’en chastiant, se destruire soy-mesme :
Nos plus riches citez rester sans habitans :
Nos champs reduits en friche, et comme lamentans
En vestemens de dueil ces terres saccagees,
Maudire incessamment nos fureurs enragees :
Bref (si contre ces maux Dieu n’avance sa main)
La caverne d’enfer ne couver en son sein
Espece de malheur dont elle arme son ire,
Pour renverser l’orgueil d’un grand et riche empire,
Que le fatal arrest du celeste courroux
Ne luy face respandre et vomir entre nous.
Et quel homme icy bas est si veuf de prudence,
Qu’il n’apperçoive point la maudite semence
Dont tant d’horribles maux doivent estre produits,
En avancer par tout les miserables fruits ?
Desja depuis long temps l’audace mercenaire
Des clairons de la guerre embouchez de Megere,
Rappellant des enfers l’ire de nos destins,
Aux armes a semond la fureur des mutins.
Et voila de nouveau, les plus sanglans outrages
Qui puissent des mortels ulcerer les courages,