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Et tes membres en proye aux corbeaux exposez
Ne rendent au tombeau ses manes appaisez :
Et cache où tu voudras ta sacrilege teste,
Rien ne te sauvera des coups de la tempeste
Dont le courroux du ciel armé pour le vanger
Te viendra par ma dextre en fureur saccager,
Si pressé d’un regret ou desespoir extrême
Tu ne te vas cacher au sein de la mort mesme.
Levant la main au ciel ainsi je le promets
Aux cendres de Lysis esteintes pour jamais,
Et vous prens à tesmoins du serment que j’en jure
Ô vous race presente, et vous race future.
Ainsi parla Daphnis faisant luire en son œil
Mille éclairs de courroux au milieu de son dueil :
Puis se rendit aux pleurs, baillant en cent manieres
Son cœur à devorer aux douleurs ses meurtrieres :
Quand son cher Megathyme, autheur des plus beaux faits
Qu’il eust osez en guerre ou fait reluire en paix,
Ne pouvant endurer de voir tant de tristesse
Affoler un esprit fameux pour sa sagesse,
Print en fin la parole, et de ces graves mots
Vint calmer sa tourmente et moderer ses flots.
Et quoy ? Cher nourrisson de Mars et de memoire,
En fin ceste douleur aura-t’elle la gloire
D’avoir jetté par terre et saccagé le fort
Dont ta sage constance a tant bravé le sort ?
Quoy ? Ce cœur invincible aux plus vaillantes armes
Sera-t’il maintenant estouffé par des larmes,
Et tant de gloire acquise à te ; royales fleurs
Fera-t’elle naufrage en des ruisseaux de pleurs ?
Ô genereux Daphnis souviens-toy de toy-mesme,
De tes fameux lauriers, de ton saint diadême,
Et ne tourmente point les ombres de Lysis
Par l’extrême douleur qui tes sens a saisis.
Bien seroit un rocher, bien seroit une souche
Celuy qui defendroit les plaintes à ta bouche
Maintenant qu’il n’est ame entendant son trespas
Qui n’estime un peché de ne le plaindre pas :