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L’assistance ravie et pleine de merveille,
Ressentant bien qu’un dieu charmera son oreille,
Dira plus que jamais Ronsard plein de bon-heur,
De voir un tel heraut publier son honneur,
Et confessera lors, presque atteinte d’envie,
Que son trespas l’honore autant comme sa vie.
Au reste, belle royne, asseure ton penser,
Que si jamais un nom s’est veu Styx repasser,
Ou sorty du tombeau d’avec la froide cendre
Sur tout le large front de la terre s’estendre,
Et des efforts du temps rester victorieux,
Ce sera de Ronsard le surnom glorieux :
Et n’en sera jamais sur la terre habitable
Ny de moins envié, ny de plus enviable.
Un jour doit arriver promis par les destins,
(et ce jour n’est pas loin) que des peuples latins,
Que des champs espagnols, que de ceux d’Allemagne,
Et mesme de ceux-là que la Tamise baigne,
Bref, de toute l’Europe, et des lieux incogneus
Où ses escrits seront en vollant parvenus,
On viendra saluër le sepulchre où repose
Son ombre venerable et sa despoüille enclose,
Pour estre seulement de ceste aise pourveu,
De s’en pouvoir vanter, et dire, je l’ay veu :
Tant son illustre nom apres la vie esteinte
Luira d’une lumiere et glorieuse et sainte.
Ainsi dit Jupiter, chatoüillant de tels mots
L’esprit de ceste royne : elle accoisant les flots
De la mer de douleur en son ame coulee,
Se leva de ses pieds à demy consolee :
Rentra dedans soy-mesme, et remit sur son chef
Les fleurs qu’elle en osta déplorant son méchef.
Ô nompareil esprit qui rens toutes les muses
Avec toy maintenant dans la tombe recluses,
Et de qui nous pouvons justement prononcer,
Sans que les plus sçavans s’en puissent offenser,