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En souffrant ont rendu la poussiere sanglante,
Plus ils ont arrousé ceste fatale plante,
Et fait evidemment regermer et fleurir
Ce que l’espoir humain pensoit faire mourir.
C’est pourquoy desormais sous de meilleurs auspices
Que ceux ou de la guerre ou des autres supplices,
Il faut chercher en Dieu les moyens d’arracher
Sa feconde racine, ou la faire seicher :
Et ces moyens-là, sire, il faut que la memoire
Vous defere à jamais la loüange et la gloire
De les avoir trouvez, si vos sages desseins
Succedent aussi bien qu’ils sont justes et saincts.
Car comme avoir assis le vice et l’ignorance
Dans les thrônes sacrez des eglises de France,
A fait que ces malheurs lors encore naissans,
Depuis se sont rendus si grands et fleurissans :
Tout de mesme, eslever à ces grades suprémes
Un eminent sçavoir et des vertus extrémes,
Exciter par bien-faicts les champions de Christ
À combatre pour luy de bouche et par escrit,
R’appeller au chemin les ames esgarees,
S’esjoüir de les voir du piege retirees,
Asseurer des faveurs de sa royale main
Ceux que la seule peur d’une honteuse faim
Retient en l’autre part liez par les salaires
Dont le soucy public nourrit leurs ministeres,
Brief, sçachant qu’augmenter l’empire de la foy,
C’est l’un des saincts devoirs d’un grand et juste Roy,
Procurer sa victoire, et combattant pour elle
Monstrer qu’avec ardeur on defend sa querelle,
Ce sont les vrais sentiers conduisans au bon-heur
De revoir triompher l’espouse du seigneur,
Agar se déchasser, quelque espoir qui la paisse,
Et Sarra demeurer seule dame et maistresse.
Or, sire, qui ne sçait que des chemins si doux
Sont pour la plus grand’part desja suivis de vous ?
À qui ne parut point l’ardeur de ceste flame
Qu’un zele tout celeste allumoit en vostre ame.