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Et la preuve a monstré qu’il falloit comme vous
Apporter à ces maux des remedes plus doux,
Et purger la fureur qui tant d’esprits affole,
Par l’hellebore pur de la saincte parole,
Et non par la terreur de la flamme et du fer,
Qui seuls la combatans n’en sçauroient triompher.
Car en ces passions, sorcieres des pensees,
Les ames et de zele et d’erreur insensees,
Au lieu de s’ébranler par le mortel effroy
Des tourments preparez pour combattre leur foy,
S’obstinent à l’encontre, et bravant les supplices
Font gloire qu’on les offre en sanglants sacrifices
À la haine du peuple estonné de leurs chans
Poussez d’entre la flamme et les glaives trenchans.
Tellement qu’és douleurs imitans la constance
Dont nos premiers martyrs leur faisoient resistance,
Il advient qu’un cœur foible à leurs maux compatit,
Et qu’en fin ce remede en mal se convertit,
Leur obstinee ardeur des peuples admiree
Semblant une vertu de Dieu mesme inspiree.
Dequoy nous ont servy tant de feux allumez
Quand ces germes de maux par l’Europe semez
Firent premierement formiller sur la terre
Les erreurs, la discorde, et le schisme et la guerre ?
Dequoy nous ont servy les lauriers ja poudreux
Des champs de Mont-Contour, de Jarnac, et de Dreux,
Et ceste vengeresse et cruelle journee
Où la fureur du peuple en courroux deschainee,
Par erreur de penser destruire ainsi l’erreur,
Remplit Paris de sang, de carnage et d’horreur ?
De la cendre des corps devorez par les flames
Ceste erreur s’est monstree en mille foibles ames
Plus vive et plus feconde : et par un mauvais sort,
Plus ces nouveaux croyans affamez de la mort