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Ains dirions comme Aenee alors qu’il veit en l’air
De son fatal escu le lustre estinceller,
Ô combien de douleurs et de morts asseurees
Sont à nos ennemis desormais preparees !
Qu’ils seront rudement punis de leurs forfaits !
Qu’on en verra tomber de regiments deffaits !
Et que les rouges flots des rivieres profondes
En rouleront de corps et d’armes sous leurs ondes !
Qu’ils viennent maintenant, et de sang alterez
Violent les sermens si sainctement jurez :
Ils verront que le ciel estant nostre defense,
Nous sçavons mieux punir qu’exprimer leur offense.
Ainsi parlerions-nous mesprisans tout danger,
Maintenant que l’orgueil du barbare estranger,
R’allumant le flambeau d’une guerre mortelle,
À de nouveaux combats par force vous rappelle.
Mais vous n’estes basty ny de fer ny d’acier,
Et le laict que huma dans le sein nourricier
Voctre plus tendre enfance apres qu’elle fut nee,
Ne se convertit point en la chair d’un caenee,
Pour estre invulnerable, et resister aux coups
De tant de coutelas mis au poing contre vous.
Helas ! L’effort d’un traistre, et vos autres blessures
Ne nous en ont donné que des preuves trop seures :
L’image ne s’en peut de nostre ame effacer,
Et nos cœurs ne sçauroient sans horreur y penser !
C’est pourquoy tous tremblans de voir vostre courage
Vous porter derechef dans les flots d’un orage
Où tonnent cent canons arrangez flanc à flanc,
Où greslent mille morts, où la pluye est de sang,
Nous recourons aux vœux, et l’oeil baigné de larmes,
Prions le tout-puissant qu’au plus fort des allarmes