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Comme si le trespas estant lors vostre envie,
Vous eussiez eu querelle à vostre propre vie.
Ah dieu ! (ce dismes nous troublez d’un tel discours)
Ce prince en trop osant desolera nos jours :
Sa valeur nous perdra : de ce mesme courage
D’où vint nostre salut viendra nostre naufrage.
Que pense-il en son cœur ? Ne se souvient-il point
Que le bien de l’Europe à sa vie est conjoint ?
Il est roy, non soldat : chef, non main de l’armee :
Il sieroit mal aux rois d’avoir l’ame affamee
D’une gloire vulgaire, et du mesme laurier
Qui peut ceindre le front d’un simple avanturier.
Quel droit ou quelle loy permet à sa vaillance
D’exposer aux dangers le salut de la France ?
Ignore-il que souvent la cruauté du sort
Fait qu’en cherchant la gloire on rencontre la mort ?
Sa chair en l’eau de Styx n’a pas esté trempee
Pour estre inviolable au trenchant de l’espee,
Et de son vif esprit la bouïllante vigueur
N’a pas le corps d’Achille aussi bien que le cœur.
Ainsi parlasmes nous pleins d’espoir et de crainte,
Accusant et loüant par une mesme plainte
La genereuse erreur qui vous fist trop oser,
Et nostre unique attente à la mort exposer,
Sans vous ressouvenir combien nos destinees
Sont d’un estroit lien à la vostre enchainees :
Quels gouffres de malheurs nous auroient engloutis,
Et quel monstre nouveau de contraires partis
Déchirant cet estat feroit de ses provinces
Une lerne de maux sous une hydre de princes,
Si quelque plomb fatal, guidé par le malheur,
Avoit d’un coup mortel payé vostre valeur.
Et bien que nous douloir de ce brave courage
Qui pour nous garantir d’un indigne servage,