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A MONSEIGNEUR CARDINAL BOURBON

Tandis que la fureur du plus cruel orage
Qui menaça jamais un estat de naufrage,
Tempeste en ce royaume, ainsi qu’en une mer
Qu’un vent d’ambition fait par tout écumer :
Et tandis que les vœux, la force et la prudence
Combattent sans effect contre sa violence,
Qui superbe d’avoir abysmé dans ses flots
Patron et gouvernail, et mast, et matelots,
Bouleverse à son gré dessus l’onde animee
La miserable nef en ce poinct desarmee,
Laissant pour dernier ancre aux plus fermes esprits
Les seules oraisons, les larmes et les cris :
Moy cependant couvert de la main secourable
Dont un genereux prince aux muses favorable,
Me retirant des flots, soigneux m’a garanty
D’estre par la tourmente és vagues englouty :
Maintenant en repos je passe icy ma vie,
Et malgré les malheurs dont elle est poursuivie,
D’icy, comme du fest de quelque grand rocher
D’où les flots de la guerre ont crainte d’approcher,
Je regarde à l’entour forcener la tempeste,
Retiré sous l’abry que sa bonté me preste.
Icy coulent sans peur et la nuict et le jour :
Icy la douce paix semble faire sejour,
Du reste de la France horriblement chassee
Par le sanglant foüet de la guerre insensee.