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D’effroyable aux humains l’humaine cruauté,
Retenoient leurs sujets de reprendre leur vie,
Bien qu’en ostant l’audace ils en creussent l’envie.
Mais ce genereux roy tousjours tousjours marchant
Par la voye incognuë aux erres du meschant,
N’en souloit retenir la publique licence
Qu’avec le juste frein de sa seule innocence :
Donnant si peu de prise aux plus aigres esprits,
Et s’offençant si peu d’estre aigrement repris,
Qu’il monstroit par effect, sa belle et royale ame
Ne se consumer point d’une plus vive flame
Que du desir de voir tous librement oser,
Et nul ne le pouvoir justement accuser.
Flateurs envenimans les ames par l’oreille,
Pernicieuse engeance aux lierres pareille,
Qui destruisant en fin ce que vous embrassez,
De repas si mortels les vices nourrissez,
Qu’on voit bien peu d’esprits aimants l’heur miserable
D’estre loüé de vous, aimer rien de loüable :
Pestes de la vertu, faux masques de la foy,
Vous estiez mal venus aupres de ce grand roy,
Qui fuyant le venin dont vos langues sont pleines,
Et comme empoisonneurs de publiques fontaines
Vous ayant en horreur, eust plustost souhaitté
Qu’on l’eust repris à tort que laschement flatté :
Tant un cœur genereux qui des vices s’estrange
Aymant le vray honneur, hait la fausse loüange.
Qu’il sentoit son esprit doucement s’enchanter
Du plaisir que l’histoire à l’ame fait gouster,
Quand s’y mirant soy-mesme il s’estonnoit d’y lire
Ce que l’on dit des rois, et qu’on n’ose leur dire !
Qu’il estoit transporté de doux ravissemens
Par les divins discours des sacrez testamens,
Où d’un si liberal et si juste partage
Dieu distribue aux siens le celeste heritage !