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 leur grandeur, des loix l’unique appuy :
Que l’oreille d’un roy n’est point vrayment à luy,
Mais à la voix du peuple, et des ames qui vivent
Sous l’empire des loix que ses mains leur prescrivent :
Bref, que d’un potentat plein de puissance et d’heur
Le travail est la gloire, et le soin la grandeur.
De tels enseignemens la vertu maternelle,
Entre mille travaux, l’imbut dés la mammelle :
Et luy qui les receut en son royal esprit,
Homme alloit pratiquant ce qu’enfant il apprit :
Escoutant du plus vil la requeste et la plainte,
Et sage preferant une peine si sainte
Au plus doux passe-temps que son cœur peust choisir
Entre tant que la vie offroit à son desir.
Aussi de tous costez oyoit-on par la France
Ses sujets benissans le jour de sa naissance,
L’appeller leur vray pere, et charger les autels
De vœux luy souhaittans des siecles immortels :
Comme si ce souhait consommant leur priere,
Eust compris tous les vœux dont l’ame est coustumiere
D’importuner au ciel l’eternelle bonté,
Luy demandant la paix, la riche liberté,
La publique abondance, et tous les biens qu’Astree
Fait germer dans le sein d’une heureuse contree.
Quels traits, quelles couleurs animans les discours,
Pourront representer aux princes de nos jours,
D’un portrait que l’envie elle mesme revere,
Ceste integrité d’ame à soy-mesme severe,
Dont l’humble, et patiente, et constante douceur
Ne s’est point veüe encor avoir de successeur,
Ains que chacun remarque en ce cœur indomptable
Comme admirable à tous, mais à nul imitable ?
L’Europe (où de tout temps le vice et la vertu
Pour l’empire et la palme ont le plus combatu)
Jadis a veu des rois cheminans sur les traces
Des tyrans plus fameux, qui par fieres menaces,
Et par tout ce qu’au monde a jamais inventé