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Car souvent descendant du plus haut de son thrône
Pour semer et cueillir les saincts fruicts de l’aumône,
Tout ce que la conduitte égalant la splendeur
Dont sa maison ornoit son auguste grandeur,
Soustrayoit par l’espargne aux royales despenses
D’un cœur si liberal et prompt aux recompenses,
Il l’alloit consumant à bastir des lieux saincts
Pour ceux qui languissoient pauvres, vieux, et mal-sains,
Ayder la triste veufve à qui l’heur d’estre mere
Estoit sujet de plainte et surcroist de misere :
Racheter des captifs : doter la chasteté
De la vierge nubile à qui la pauvreté
Refusoit un mary, fanissant en tristesse :
La miserable fleur de sa verte jeunesse
Nourrir des orphelins, et ceux qui souffreteux,
Couvrans leur propre mal d’un silence honteux,
Estouffoient en secret en leurs chetives coûches
Les souspirs que la faim arrachoit de leurs bouches :
Brief, ne respandre pas sur le pauvre en langueur
Moins d’effects de pitié que le sort de rigueur,
Ains monstrer qu’en ce fast de grandeur et de gloire,
Le souvenir d’estre homme entroit en sa memoire.
Il aymoit tant son peuple et l’heur de son repos,
Que l’ayant soulagé du fardeau des imposts
Dont la chetive France à toute heure affligee,
Par les rois ses ayeux avoit esté chargee,
Il souloit de ses pleurs son visage arrouser,
Quand le besoin pressant le forçoit d’imposer
Sur ses foibles sujets quelque charge nouvelle,
Tant juste, ou necessaire, ou legere fust elle,
Ce qu’encor sa pitié rarement permettoit :
Et seulement alors que Bellone excitoit
Contre les lis dorez quelque orage de guerre,
De ceux qui font tomber les couronnes par terre.
Car quant à la despense ornant la dignité
Qui d’un estat royal soustient la majesté,