Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée

L’autre estoit chastié par un fer rougissant
Qui du blasphemateur la langue outre-perçant,
Apprenoit pour jamais à la bouche coulpable
De ne plus prophaner ce surnom ineffable
Qui dans le ciel, sur terre, et sous terre adoré,
Est par les anges mesme en tremblant proferé.
Ô qu’il portoit de haine à ces lieux impudiques
Où Venus est venale aux débauches publiques !
Le pasteur qui descouvre une engeance d’aspics
Sous un monceau pierreux l’un sur l’autre tapis,
Ne leur va point menant une plus aspre guerre,
Desolant leur maison jusqu’au nud de la terre,
Qu’il leur estoit severe, et qu’il armoit contre-eux
De menaçantes loix, et d’edicts rigoureux.
Il en bailloit le toict à devorer aux flames :
Il en faisoit razer les murailles infames :
Et d’un sanglant foüet sans pitié déchirer
Celles qu’un sale gain y faisoit retirer :
Estant son cœur si chaste, et si chaste sa vie,
Que (si d’un vray renom sa memoire est suivie)
Onc nuls embrassemens ne luy furent cogneus,
Sinon ceux qu’Hymenee a permis à Venus.
Quel prince fut jamais sur la terre habitable
Plus que ce grand monarque aux pauvres secourable ?
Maints rois s’armans les bras d’un fer victorieux
Rendent par l’univers leur renom glorieux :
Brident de sainctes loix la populaire audace :
Laissent de leur prudence une eternelle trace ;
Et gaignent tout l’honneur qu’on s’acquiert icy bas
Par les arts de la paix, et par ceux des combats :
Mais peu daignent tourner leur superbe paupiere
Vers le pauvre estendu sur la vile poussiere,
Et penser qu’en l’habit d’un chetif languissant
C’est Christ, c’est Christ luy-mesme, helas, qui gemissant
Se lamente à nos pieds de la faim qui l’outrage,
Et promet pour du pain le celeste heritage.
Ô cœurs de diamant, ce roy plein de bonté
Eloignoit bien ses pas de vostre cruauté :