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Au lieu que maintenant la faveur les prophane,
C’estoient des voix de Dieu dont l’homme estoit l’organe.
Aussi n’épargnoit-il chastiment ny loyer
Qu’avec heureux effect sa main peust déployer
Contre l’amour du vice, et ceste humeur servile
Qui n’ayme à faire bien qu’autant qu’il est utile,
Et d’un cœur apres l’or incessamment beant
Ne veut point cultiver la vertu pour neant.
Car sçachant qu’il se treuve en un temps plein de vices
Plus de pyrrhes nouveaux que de seconds Fabrices,
Et craignant sagement que la faim d’en avoir
Ne fist outrepasser les bornes du devoir
À ceux qu’il asseoit en ces lieux venerables,
Pour se rendre en justice aux peuples admirables :
Il armoit leur vertu contre la pauvreté
Faisant secrette guerre à leur integrité,
De loyers qui pouvoyent forcer la tyrannie
Dont les cruelles loix d’Anange et de Penie,
Brisant toute autre loy de leur sceptre de fer,
Des plus nobles esprits se sentent triompher.
Et puis si la faveur, la haine, ou l’avarice
Tiroit d’eux quelque effect de notable injustice,
Il chastioit leur faute avec tant de rigueur,
Que les loix recouvrant leur antique vigueur,
Sembloient renouveller cet exemple severe
Qui fit asseoir le fils sur la peau de son pere
Justement écorché, bien que barbarement,
Pour s’estre osé souïller d’un méchant jugement.
Son cœur, toute sa vie, eut en horreur extrême
Sur tous autres forfaits le meurtre et le blaspheme :
Aussi l’autheur de l’un n’évitoit point la mort,
S’il ne l’avoit commis en repoussant l’effort
Dont sa vie attaquee avoit esté contrainte
D’opposer à la mort une mortelle attainte :