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 de ce desir il planta par deux fois
Sur les bords africains l’estendart de la croix :
Donna sa vie en proye aux hazards de la guerre :
Tenta mille dangers et par mer et par terre :
Alla chercher la mort, et trouver la prison
En des terres sans foy, sans pitié, sans raison,
Où ce luy fut regner et gaigner la victoire,
Que de servir à Christ, et mourir pour sa gloire.
Mais chanter les combats heureux et malheureux
Achevez outre mer par son bras valeureux :
Le sac de Damiette, et le sanglant ravage
Qu’il fist de Sarrazins sur le double rivage
De la mer et du Nil, jonchant trois fois ses bords
De chevaux infinis et de barbares morts :
Le grand siege du Caire, où la victoire acquise
Se convertit en dueil par l’ennuy de sa prise :
La saincte majesté que du thrône des cieux
Dieu fist descendre en terre et s’assoir en ses yeux,
Quand deux mahometans qui portoient leurs espees
Du sang de leur soudan encor toutes trempees,
Le voulans massacrer, sentirent de leurs mains
Secrettement tomber leurs poignards inhumains,
Et choir sur le pavé la menaçante audace
De leur fureur meurtriere au regard de sa face :
Son voyage en Libye, où ce grand champion
Fut encor à Carthage un second Scipion :
Le laurier qu’il gaigna sur les plaines de Tunes,
Vaillamment couronnant sa vie et ses fortunes :
Bref, tenter le recit de tant d’illustres faicts,
Ce seroit un dessein de qui le pesant faix
Iroit trop surpassant les forces de mon ame :
Et pour dignement tistre une si grande trame,
Il faudroit que la main d’un plus divin esprit
Avec un fil tout d’or cet ouvrage entreprit.