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L’ennemy s’estonnant d’un trait si valeureux,
Prévoit bien que ce jour luy sera malheureux :
Se sent de l’estomach toute audace ravie :
Ne pense plus à vaincre, ains à sauver sa vie :
Le roy poursuit sa pointe, et d’un cœur indonté
Charge avec tous les siens ce camp espouvanté :
Y jette le desordre, en destruit la conduitte :
Met les vaillans à mort, et les lasches en fuitte :
Bref, pour n’estre point plus à conter qu’il vainquit
Que son bras fut à vaincre, en peu d’heure il conquit
La palme toute entiere à l’anglois arrachee,
Du sang de ses guerriers ou point ou peu tachee.
Mais comme par l’effort de l’extréme vertu
Dont aux yeux de la France il avoit combattu
Sa valeur en vainquant fist reluire sa gloire,
Sa bonté se fist voir usant de la victoire.
Car de deux ennemis contre luy conjurez
Qui s’estoient, en fuyant, du combat retirez,
Et qu’ainsi que l’esclat d’un grand coup de tonnerre
Ceste sanglante attainte abbattit contre terre,
L’un (roy du peuple anglois) à bon droit estonné
D’estre, au lieu d’un laurier, d’un cyprés couronné,
N’eut pas si tost requis qu’en calmant cet orage
Une trefve sauvast les ais de son naufrage,
Ny l’autre demandé la paix et le pardon,
D’avoir de ceste guerre allumé le brandon ;
Que ce genereux roy tirant soudain la bride
Au courroux qui rendoit sa victoire homicide,
N’accordast tous les deux, bien que jeune et vainqueur,
Et qu’un clement oubly n’effaçast de son cœur
Le crime du poison que la haine et l’envie
Avoient en leur fureur brassé contre sa vie.
Qui pourroit raconter, qui pourroit taire aussi
Les illustres vertus dont son los éclaircy