Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée

 belle et chaste royne, exemple de nos jours,
Preste un peu maintenant l’oreille à mes discours,
Et la sage faveur de ceste ame royale,
Dont le clair jugement orne tant la bonté,
Que nul sur qui le ciel respande sa clarté,
En l’un ne te surmonte, en l’autre ne t’égale.
Desormais, sage royne, il te faut effacer
Et patrie et parents du fonds de ton penser,
Pour ce vaillant monarque à qui tu t’es liee :
Quoy que tu sois issuë et de ducs florissants,
Et de grands empereurs, qui justes et puissants
Parmy tout l’univers leur gloire ont publiee.
Car ce prince invaincu, ton espoux et ton roy,
Ne voit rien icy bas qu’il aime tant que toy,
Ny dont il prise tant les vertus et les graces.
Ses yeux rendent tousjours son cœur à tes beautez :
Car les autres objects qu’il voit de tous costez
Ne luy font que monstrer combien tu les surpasses.
Continuë à luy rendre et cet honneur sans fard,
Et ce parfaict amour despoüillé de tout art,
Dont ta vertu le lie en ses nœuds invisibles :
Et par ta patience et constance et douceur,
Poursuy de posseder ton juste possesseur,
Puis que le seul amour vainq les cœurs invincibles.
Demeurant à jamais le cœur d’un si grand roy
Autant tien par l’amour, comme il l’est par la loy,
Tu verras les plus grands humbles te rendre hommage :
Un seul de tes regards ou destruire, ou sauver :
Et chacun, pour le sort qui luy doit arriver,
Regarder en tremblant l’astre de ton visage.
Ny les perles ny l’or qui par tant de dangers
Font voller nos vaisseaux aux havres estrangers,