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Son estre estant tissu d’une si rare trame,
Qu’on doute qui des deux a des charmes plus forts,
Ou l’extréme beauté des vertus de son ame,
Ou l’extréme vertu des beautez de son corps.
Aussi doit vostre cœur ressentir plus de joye
D’estre pris en des laqs si chastes et si beaux,
Que d’avoir terrassé l’orgueil de la Savoye,
Domptant ses grands rochers couronnez de chasteaux :
Et faut qu’en ceste pompe où le ciel environne
De myrte et de laurier vostre front tout-autour,
Les triomphes sanglants de la fiere Bellonne
Cedent la gloire à ceux de Junon et d’Amour.
Bien paroist-il à l’heur qui vous rend tout possible
Que Bellonne et l’Amour ont égal soin de vous :
L’une vous fait dompter tout ce qu’elle a d’horrible,
L’autre vous fait sentir tout ce qu’il a de doux.
Mais vous n’avez jamais foudroyé par les armes
Un si rude ennemy qui vous ait affronté,
Qu’Amour, sans vous contraindre à dependre des larmes,
Vous fait icy joüir d’une douce beauté.
Bruslez dedans le feu que ses graces attizent
D’une ardeur volontaire et durable à jamais,
Content qu’en vostre cœur ses flammes s’eternizent,
Et qu’Amour soit pour vous sans ailes desormais.
Monstrez qu’en ce courage où la vertu n’assemble
Que des desirs tous pleins de saincte ambition,
La raison et l’amour ont fait la paix ensemble,
Et que vostre devoir est vostre passion.
Comme qui conjoindroit deux flambeaux par les meches,
Leurs feux se confondans n’en feroient qu’un de deux :
Faites qu’ainsi vos cœurs atteints de mesmes fleches
Unissent à jamais leurs saincts et chastes feux.