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SUR LA REDUCTION D’AMIENS

Si jamais quelque prince habitant icy bas
Merita que son peuple adorast sa vaillance,
C’est ce roy si fameux et si craint és combats
Que les cieux ont donné pour monarque à la France.
Nul ne peut sans merveille entendre avec quel heur
De ses sujets captifs la chaine il a coupee,
Et par combien d’effects de prudente valeur
Ses mains ont obligé son sceptre à son espee.
La gloire des lauriers qui luy ceignent le front
S’élevoit bien desja jusqu’aux voûtes celestes,
Et sembloit que du monde éclairant tout le rond
Rien ne peust augmenter le lustre de ses gestes :
Mais plus clair que jamais il reluist aujourd’huy,
D’avoir repris par force et remis en franchise
Ceste ville imprenable à tout autre qu’à luy
Que le fier espagnol nous ravit par surprise.
Un barbare ennemy remplissant tout d’effroy
La volla de nos mains en corsaire homicide :
Mais ce vaillant guerrier l’a reconquise en roy,
Contre un nouveau Cacus estant un autre Alcide.
Aussi d’un tel effect recueille-il un honneur
De qui la renommee est si loin épanduë
Qu’il vaut mieux pour sa gloire, et pour nostre bon-heur,
L’avoir reprise ainsi que non jamais perduë.
Ah dieu ! Que de perils ont conjuré sa mort
Durant les tristes mois que ses armes l’ont ceinte !
Et que ceste valeur qui contre tout effort
Nous remplissoit d’espoir, nous a remplis de creinte !