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Sinon à quelque Apelle, et non à d’autres mains,
D’oser pourtraire au vif un second Alexandre.
Car quand bien j’oserois vos vertus raconter,
Que sçauroit ma loüange à leur gloire adjouster
Qui de vostre grandeur accreust la cognoissance ?
Le cours d’un ruisselet que peu d’eaux ont éclos
Enfleroit-il la mer s’abismant en ses flots ?
Ou ce qui remplit tout prendroit-il accroissance ?
Non, sire, le renom qui vous rend si fameux,
Franchissant de nos mers les rempars écumeux,
A couru tout le rond de la terre et de l’onde :
Et pour trouver encor quelque peuple icy bas
Qui n’eust point entendu le bruit de vos combats,
Il faudroit quelque part chercher un autre monde.
Mais comme ces tableaux exposants à nos yeux
Les pourtraits abregez de la terre et des cieux,
Souvent marquent d’un point une grande province,
Ainsi pressant l’honneur de vos gestes divers,
En ce parlant tableau que depeignent mes vers
Reduy-je au petit pied le los d’un si grand prince.
D’un prince qui sa gloire en du cedre écrivant,
Se verra proposer à tout l’aage suivant
Sous le nom merité d’une idee accomplie :
Et qu’avec tant de soin le destin a formé,
Que les rares vertus dont son cœur est armé,
S’en devroient appeller la saincte panoplie.
Car les dons qu’en plusieurs le ciel a dispersez,
Il les a tellement en vous seul ramassez
Par le son paternel de sa main liberale,
Que vous seul suffiriez aux Zeuxis plus parfaits
Qui sur les traits choisis de cent divers beaux faits
Peindroient la vertu mesme et la grandeur royale.
Je tais ce vif esprit, actif et vigilant,
Ce corps infatigable, et de soy nonchallant,
Et ces autres rayons de vertu plus commune :
Je tais mesme ces traits d’invincible bon-heur,