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Sans la guide qui seule aux mortels d’icy bas
Enseigne et la lumiere, et la voye, et la vie !
J’estois comme celuy qui du haut d’un rocher
Voit perir dans les flots ce qu’il a de plus cher,
Et ne l’ayde au peril que de vœux et de larmes :
Contre son bel esprit souvent je m’indignois,
Me plaignant de celuy pour qui je me plaignois,
De le voir sans pitié se meurtrir de ses armes.
Ah (disois-je à par moy) prince illustre en bonté,
Que te sert ceste auguste et saincte pieté
Qui comme un feu la nuict dans ta belle ame éclaire ?
Helas ! Bien peu te vaut un si rare ornement,
Puis que hors de l’eglise on sert Dieu vainement,
Et que par le mal croire on destruit le bienfaire.
J’égale les vertus qui parent ta grandeur,
Aux fleurs qu’un petit d’eau nourrit en la verdeur
Des branches d’un fruitier hors du tronc arrachees :
Elles procedent bien d’un principe eternel :
Mais pour ne vivre plus dans le sein maternel,
Sans produire aucun fruit elles tombent sechees.
Dedans le tige sainct revien te faire enter,
S’il te plaist de les voir d’heureux fruits rapporter,
Et non seulement vivre, ains te donner la vie.
C’est assez fait mourir de crainte et de douleur
Ceux qui t’aymans sans fard souspirent ton malheur :
Vien faire aussi mourir tes ennemis d’envie.
Ainsi matin et soir mon cœur parloit en moy :
Tousjours priant le ciel qu’en repurgeant sa foy
De la faulse doctrine, il y plantast la vraye :
Et voila, le seigneur a mes vœux exaucez,
Delivrant son esprit de ses charmes passez,
Et du champ de son ame arrachant ceste yvraye.