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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

dait sa vache, assise au haut du talus. Je me suis approché, pas de beaucoup. Elle s’est enfuie.

♦♦♦ Évidemment, ma timidité a pris depuis quelque temps, le caractère d’une véritable obsession. On ne vient pas facilement à bout de cette peur irraisonnée, enfantine, qui me fait me retourner brusquement lorsque je sens sur moi le regard d’un passant. Mon cœur saute dans ma poitrine, et je ne recommence à respirer qu’après avoir entendu le bonjour qui répond au mien. Quand il arrive, je ne l’espérais déjà plus.

La curiosité se détourne de moi, pourtant. On m’a jugé, que demander de plus ? Ils ont désormais de ma conduite une explication plausible, familière, rassurante, qui leur permet de se détourner de moi, de revenir aux choses sérieuses. On sait que « je bois » — tout seul, en cachette — les jeunes gens disent « en suisse ». Cela devrait suffire. Reste, hélas ! cette mauvaise mine, cette mine funèbre dont je ne puis naturellement me défaire, et qui s’accorde si mal avec l’intempérance. Ils ne me la pardonneront pas.

♦♦♦ Je craignais beaucoup la leçon de catéchisme du jeudi. Oh ! je ne m’attendais pas à ce que l’argot des lycées appelle un chahut (les petits paysans ne chahutent guère) mais à des chuchotements, des sourires. Il ne s’est rien passé.

Séraphita est arrivée en retard, essoufflée,