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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

ment copié le texte sur un petit carnet.

Je suis rentré dans ma chambre exténué — une lassitude extraordinaire. Je ne comprends rien à ce qui s’est passé. Sous des dehors un peu timides, Simplice est plutôt effronté. De plus il se sait beau parleur, il en abuse. Qu’il ait manqué cette occasion de se justifier — tâche facile à ses yeux, car il n’a sûrement qu’une petite estime de mon expérience, de mon jugement — cela m’étonne beaucoup. Et d’ailleurs, comment a-t-il pu deviner ? Je ne crois pas avoir dit un mot, et je le regardais sûrement sans mépris, sans colère… Reviendra-t-il ?

Comme je m’étendais sur mon lit pour essayer de prendre un peu de repos, quelque chose a paru se briser en moi, dans ma poitrine, et j’ai été pris d’un tremblement qui dure encore, au moment où j’écris.

Non, je n’ai pas perdu la foi ! Cette expression de « perdre la foi » comme on perd sa bourse ou un trousseau de clefs m’a toujours paru d’ailleurs un peu niaise. Elle doit appartenir à ce vocabulaire de piété bourgeoise et comme il faut légué par ces tristes prêtres du dix-huitième siècle, si bavards. On ne perd pas la foi, elle cesse d’informer la vie, voilà tout. Et c’est pourquoi les vieux directeurs n’ont pas tort de se montrer sceptiques à l’égard de ces crises intellectuelles beaucoup plus rares sans doute qu’on ne prétend. Lorsqu’un homme cultivé en est venu peu à peu, et d’une manière insensible,