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JOURNAL

croient que le sacrement nous permet d’entrer d’emblée dans le secret des âmes sont bien naïfs ! Que ne pouvons-nous les prier de faire eux-mêmes l’expérience ! Habitué jusqu’ici à mes petits pénitents du séminaire, je ne puis réussir encore à comprendre par quelle affreuse métamorphose les vies intérieures arrivent à ne donner d’elles-mêmes que cette espèce d’image schématique, indéchiffrable… Je crois que passé l’adolescence, peu de chrétiens se rendent coupables de communions sacrilèges. Il est si facile de ne pas se confesser du tout ! Mais il y a pis. Il y a cette lente cristallisation, autour de la conscience, de menus mensonges, de subterfuges, d’équivoques. La carapace garde vaguement la forme de ce qu’elle recouvre, c’est tout. À force d’habitude, et avec le temps, les moins subtils finissent par se créer de toutes pièces un langage à eux, qui reste incroyablement abstrait. Ils ne cachent pas grand’chose, mais leur sournoise franchise ressemble à ces verres dépolis qui ne laissent passer qu’une lumière diffuse, où l’œil ne distingue rien.

Que reste-t-il alors de l’aveu ? À peine effleure-t-il la surface de la conscience. Je n’ose pas dire qu’elle se décompose par-dessous, elle se pétrifie plutôt.

♦♦♦ Nuit affreuse. Dès que je fermais les yeux la tristesse s’emparait de moi. Je ne trouve malheureusement pas d’autre mot pour qualifier une défaillance qui ne peut se