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Parlons à présent de l’action du chef dans les récitatifs. Ici le chanteur ou l’instrumentiste récitant n’étant plus soumis à la division régulière de la mesure, il s’agit, en le suivant attentivement, de faire attaquer par l’orchestre avec précision et ensemble les accords ou les dessins instrumentaux dont le récitatif est entremêlé, et de faire changer à propos l’harmonie, quand le récitatif est accompagné, soit par des tenues, soit par un tremolo à plusieurs parties, dont la plus obscure parfois est celle dont le chef doit s’occuper davantage, puisque c’est du mouvement de celle-là que résulte le changement d’accord.


\language "italiano"
\score {
\relative do' { 
\new PianoStaff << 
\new Staff {
\set Staff.instrumentName = #"Violons."
\clef treble
\key fa \major
\time 4/4
  <<  {
        \voiceOne
        la'1(^\markup {\center-align \fontsize #-2 {Exemple non mesuré.}} | la) \bar "||"
      }
      \new Voice {
        \voiceTwo
        do,1( | do) \bar "||"
      }
    >>
}
\new Staff  {
\set Staff.instrumentName = \markup {
    \column { "Altos et" 
      \line { "Basses." }
    }
}
\clef bass
\key fa \major
\time 4/4
  <<  {
        \voiceOne
        fa,1( | fa4)\(^\markup{\fontsize #1 1 } mi2.\)^\markup{\raise #1.8 \fontsize #1 2 } \bar "||"
      }
      \new Voice {
        \voiceTwo
        la,1( | la) \bar "||"
      }
    >>
}
>>
} %relative
\layout{
  indent = 1.5\cm
  line-width = #120
  \set fontSize = #-1
  \override Score.BarNumber #'break-visibility = #'#(#f #f #f)
} %layout
} %score
\header { tagline = ##f}

Dans cet exemple le chef, tout en suivant la partie récitante non mesurée, a surtout à se préoccuper de la partie d’alto, et à la faire se mouvoir à propos du premier temps sur le second, du Fa sur le Mi au commencement de la deuxième mesure ; sans quoi, comme cette partie est exécutée par plusieurs instrumentistes jouant à l’unisson, les uns tiendront le Fa plus longtemps que les autres et une discordance passagère se produira.

Beaucoup de chefs ont l’habitude, en dirigeant l’orchestre des Récitatifs, de ne tenir aucun compte de la division écrite de la mesure, et de marquer un temps levé avant celui où se trouve un accord bref que doit frapper l’orchestre, lors même que cet accord est placé sur un temps faible.


\language "italiano"
upper = \relative do' {
\clef bass
\key do \major
\time 4/4
\override Rest.style = #'classical
\partial 8 sol8^\markup {\raise #2 \center-align {Récitatif.}} | do4 r4 r2 \bar "||"
}% upper
lower = \relative do' {
\clef treble
\key do \major
\time 4/4
\override Rest.style = #'classical
\partial 8 r8^\markup {\raise #0.5 \center-align Orchestre. } | r4 <do' sol mi do>4 r2 \bar "||"
}% lower
text = \lyricmode {
  Par_ -- _lez_!
}% text
\score {
\new PianoStaff <<
\set PianoStaff.instrumentName = \markup  #"Exemple. "
\new Staff = upper { \new Voice = "singer" \upper }
\new Lyrics \lyricsto "singer" \text
\new Staff = lower { \lower }
>>
\layout{
  indent = 2\cm
  line-width = #120
  \set fontSize = #-1
  \override Score.BarNumber #'break-visibility = #'#(#f #f #f)
} %layout
} %score
\header { tagline = ##f}

Dans un passage tel que celui-ci ils lèvent le bras sur le soupir qui commence la mesure et l’abaissent sur le temps de l’accord. Je ne saurais approuver un tel usage que rien ne justifie et qui peut souvent amener des accidents dans l’exécution. Je ne vois pas d’ailleurs pourquoi on cesserait, dans les récitatifs, de diviser la mesure régulièrement et de marquer les temps réels à leur place, comme dans la musique mesurée. Je conseille donc, pour l’exemple précédent, de frapper le premier temps en bas comme à l’ordinaire, et de porter le bâton à gauche pour faire attaquer l’accord sur le second temps ; et ainsi de suite pour les autres cas analogues en divisant toujours la mesure régulièrement. Il est très important en outre de la diviser d’après le mouvement précédemment indiqué par l’auteur, et de ne pas oublier, si ce mouvement est allegro ou maestoso, et si la partie récitante a longtemps récité sans accompagnement, de donner à tous les temps, quand l’orchestre rentre, la valeur de ceux d’un allegro ou d’un maestoso. Car quand l’orchestre joue seul il est en général mesuré ; il ne joue sans mesure que s’il accompagne la voix récitante ou l’instrument récitant. Dans le cas exceptionnel où le récitatif est écrit pour l’orchestre lui même, ou pour le chœur, ou bien pour une partie de l’orchestre ou du chœur, comme il s’agit de faire marcher ensemble, soit à l’unisson, soit en harmonie, mais sans mesure exacte, un certain nombre d’exécutants, c’est alors le chef d’orchestre qui est le vrai récitant et qui donne à chaque temps de la mesure la durée qu’il juge convenable. Suivant la forme de la phrase, tantôt il divise et subdivise les temps, tantôt il marque les accents, tantôt les doubles croches s’il y en a, enfin il dessine avec son bâton la forme mélodique du récitatif. Bien entendu que les exécutants, sachant leurs notes à peu près par cœur, ont l’œil constamment fixé sur lui, sans quoi on ne peut obtenir ni assurance ni ensemble.

En général, même pour la musique mesurée, le chef d’orchestre doit exiger que les musiciens qu’il dirige le regardent le plus souvent possible. Pour un orchestre qui ne regarde pas le bâton conducteur il n’y a pas de chef.