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BERKELEY

que nous comprenons la signification de ce terme, sans quoi nous ne pourrions en affirmer ou nier aucune chose. En outre, comme nous concevons, par le moyen de nos propres idées, les idées qui sont dans les esprits des autres êtres spirituels (in the minds of other spirits), en supposant celles-ci semblables aux nôtres, de même aussi nous connaissons les autres autres spirituels par le moyen de notre âme propre, qui, en ce sens, est leur image ou idée ; car elle est, par rapport à eux, ce que la couleur bleue ou la chaleur que je perçois est à ces mêmes idées perçues par d’autres.

141. [L’immortalité naturelle de l’âme est une conséquence nécessaire de la doctrine précédente. Mais, avant d’en entreprendre la preuve, il convient d’expliquer le sens de cette thèse.] Il ne faut pas supposer que ceux qui affirment l’immortalité naturelle de l’âme soient d’opinion que l’âme est absolument incapable d’annihilation, même par le pouvoir infini du Créateur qui lui adonné l’être. Ils entendent seulement qu’elle n’est point sujette à être brisée ou dissoute par l’effet des lois ordinaires de la nature ou du mouvement. À la vérité lorsqu’on tient que l’âme de l’homme n’est rien qu’une flamme vitale ténue, ou un système d’esprits animaux, on la fait périssable et corruptible à l’égal du corps, rien n’étant plus facile à dissiper qu’un tel corps, naturellement incapable de survivre à la ruine du séjour qui lui est affecté. Et cette notion a été embrassée avec ardeur par la pire portion de l’humanité, comme le plus puissant des antidotes contre toutes les impressions de la vertu et de la religion. Mais nous avons rendu ceci évident : que les corps, de quelque façon qu’ils soient construits ou composés, sont des idées purement passives dans l’esprit, lequel est plus hétérogène à leur égard et diffère d’eux plus profondément que la lumière des ténèbres. Nous avons montré que l’âme est indivisible, incorporelle, inétendue ; elle est par conséquent incorruptible. Les mouvements, les changements, les faits de déclin et de dissolution que nous voyons à tout instant atteindre les corps naturels


    de l’esprit — Cette addition et les retranchements faits quelques lignes au-dessus (passages que nous avons conservés en les plaçant entre deux crochets) tiennent à ce que Berkeley, dans la 2e édition, prend le parti d’affecter spécialement le terme de notion à celles de nos pensées qui se rapportent à la connaissance du moi et à la connaissance des relations entre les idées. (Note de Renouvier). — Voir §§ 89 et 142.