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BERKELEY

en résulterait pour l’humanité. Je crois, au contraire, qu’il serait hautement à désirer que des hommes du plus grand talent, capables de l’application la plus opiniâtre, retirassent leurs pensées de ces amusements pour les reporter sur des études moins éloignées des intérêts de la vie, ou plus propres à agir directement sur les mœurs.

132. Si l’on m’objecte que des théorèmes incontestablement vrais ont été découverts par des méthodes dans lesquelles il est fait usage des infinitésimales, ce qui ne pourrait pas être si ces sortes de quantités impliquaient contradiction, je répondrai qu’en examinant la chose à fond, on trouvera qu’il n’existe point de cas qui obligent à se servir des parties infiniment petites de lignes finies, ou à en concevoir de telles, ou ne fût-ce que des quantités moindres que le minimum sensible ; et, bien plus, on verra évidemment que cela ne se fait jamais, parce que c’est impossible. [Quoi que puissent penser les mathématiciens des fluxions, ou du calcul différentiel, ou de tout autre calcul semblable, un peu de réflexion leur montrera qu’en appliquant ces méthodes, ils ne conçoivent pas, n’imaginent pas des lignes ou surfaces moindres que ce qui est perceptible aux sens. Ils peuvent bien, si cela leur plaît, appeler des quantités très petites et presque insensibles des infinitésimales, et des infinitésimales d’infinitésimales ; mais c’est là tout, dans le fond, ces quantités étant finies en réalité ; et la solution des problèmes n’exige pas qu’on en suppose d’autres. Mais ceci sera établi ailleurs plus clairement.]

133. Il est donc clair que de nombreuses et importantes erreurs sont nées de ces faux principes qui ont été combattues dans les parties précédentes de ce Traité ; tandis que les principes opposés semblent on ne peut plus avantageux, et mènent à de très nombreuses conséquences d’une haute utilité pour la vraie philosophie, aussi bien que pour la religion. On a montré particulièrement que la Matière, ou l’existence absolue des objets corporels est la principale forteresse en laquelle les ennemis les plus déclarés et les plus pernicieux de toute connaissance humaine ou divine ont toujours placé leur confiance. Et certes, si en distinguant l’existence réelle des choses non pensantes d’avec leur être-perçu et en leur reconnaissant une existence propre en dehors des esprits des êtres spirituels (minds of spirits), on n’explique rien