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LES PRINCIPES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE

111. Quant au temps, il est pris là dans un sens absolu ou abstrait, pour durée ou continuation d’existence des choses ; je n’ai donc rien à ajouter à ce que j’ai dit à ce sujet (§§ 97 et 98). Quant aux autres notions, le célèbre auteur admet un espace absolu, qui, n’étant pas percevable aux sens, reste partout semblable à lui-même et immobile ; puis un espace relatif, pour en être la mesure, lequel étant mobile et défini par sa situation à l’égard des corps sensibles, est pris vulgairement pour l’espace immobile. Il définit le lieu une partie de l’espace occupée par un corps ; et selon que l’espace est absolu ou qu’il est relatif, le lieu est tel aussi. Le mouvement absolu est dit être le transport d’un corps d’un lieu absolu à un autre lieu absolu ; et, pareillement, le mouvement relatif, d’un lieu relatif à un autre lieu relatif. Et comme les parties de l’espace absolu ne tombent pas sous nos sens, nous sommes obligés de les remplacer par leurs mesures sensibles, et de définir le lieu et le mouvement par rapport à des corps que nous regardons comme immobiles. Mais on nous dit que nous devons, en matière philosophique, juger abstraction faite de nos sens, puisqu’il se peut que nul de ces corps qui nous semblent en repos ne le soit effectivement ; et que la même chose qui est mue relativement, soit réellement en repos ; de même aussi qu’un seul et même corps peut être en même temps en repos et en mouvement relatifs, ou se trouver mû en même temps de mouvements relatifs contraires, suivant que son lieu est défini de différentes manières. Toutes ces ambiguïtés doivent se rencontrer dans les mouvements apparents, mais non dans le mouvement vrai, ou absolu, qui seul, par conséquent, est à considérer en philosophie. Et les mouvements vrais se distinguent, nous dit-on, des mouvements apparents ou relatifs par les propriétés suivantes : 1o Dans le mouvement vrai ou absolu, toutes les parties qui conservent les mêmes positions par rapport au tout partagent les mouvements du tout ; 2o Si le lieu se meut, ce qui occupe le lieu se meut aussi, en sorte qu’un corps qui se meut dans un lieu lui-même en mouvement participe au mouvement de son lieu ; 3o Un mouvement vrai n’est jamais produit ou modifié autrement que par une force appliquée au corps lui-même ; 4o Un mouvement vrai est toujours modifié par une force appliquée au corps mû ;