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et nos centres nerveux, et que tout se passera toujours par conséquent comme si nos perceptions émanaient de notre état cérébral et se projetaient ensuite sur un objet qui diffère absolument d’elles. En d’autres termes, dans le cas de la perception extérieure, la thèse que nous avons combattue et Celle que nous y substituons conduisent exactement aux mêmes conséquences, de sorte qu’on peut invoquer en faveur de l’une ou de l’autre d’entre elles son intelligibilité plus haute, mais non pas l’autorité de l’expé­rience. Au contraire, une étude empirique de la mémoire peut et doit les départager. Le souvenir pur est en effet, par hypothèse, la représentation d’un objet absent. Si c’est dans une certaine activité cérébrale que la perception avait sa cause nécessaire et suffisante, cette même activité cérébrale, se répétant plus ou moins complètement en l’absence de l’objet, suffira à repro­duire la perception : la mémoire pourra donc s’expliquer intégralement par le cerveau. Que si, au contraire, nous trouvons que le mécanisme cérébral conditionne le souvenir d’une certaine manière, mais ne suffit pas du tout à en assurer la survivance, qu’il concerne, dans la perception remémorée, notre action plutôt que notre représentation, on pourra inférer de là qu’il jouait un rôle analogue dans la perception elle-même, et que sa fonction était sim­plement d’assurer notre action efficace sur l’objet présent. Notre première conclusion se trouverait ainsi vérifiée. — Resterait alors cette seconde conclu­sion, d’ordre plutôt métaphysique, que nous sommes véritablement placés hors de nous dans la perception pure, que nous touchons alors la réalité de l’objet dans une intuition immédiate. Ici encore une vérification expérimentale était impossible, puisque les résultats pratiques seront absolument les mêmes, soit