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l’ordre même où elles pourraient subir son action ; de l’autre, j’en perçois l’intérieur, le dedans, par des sensations que j’appelle affectives, au lieu d’en connaître seulement, comme des autres images, la pellicule superficielle. Il y a donc, dans l’ensemble des images, une image favorisée, perçue dans ses profondeurs et non plus simplement à sa surface, siège d’affection en même temps que source d’action : c’est cette image particulière que j’adopte pour centre de mon univers et pour base physi­que de ma personnalité.

Mais avant d’aller plus loin et d’établir une relation précise entre la personne et les images où elle s’installe, résumons brièvement, en l’opposant aux analyses de la psychologie usuelle, la théorie que nous venons d’esquisser de la « perception pure » .

Nous allons revenir, pour simplifier l’exposition, au sens de la vue que nous avions choisi comme exemple. On se donne d’ordinaire des sensations élémentaires, correspondant aux impressions reçues par les cônes et bâtonnets de la rétine. C’est avec ces sensations qu’on va reconstituer la perception visuelle. Mais d’abord il n’y a pas une rétine, il y en a deux. Il faudra donc expliquer comment deux sensations, supposées distinctes, se fondent en une perception unique, répondant à ce que nous appelons un point de l’espace.

Supposons cette question résolue. Les sensations dont on parle sont inextensives. Comment reçoivent-elles l’extension ? Qu’on voie dans l’étendue un cadre tout prêt à recevoir les sensations ou un effet de la seule simultanéité de sensations qui coexistent dans la conscience sans se fondre ensemble, dans un cas comme dans l’autre on introduira avec l’étendue quelque chose de nouveau, dont on ne rendra pas compte, et le