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ré alors l’action elle-même et l’indé­termination qui l’environne, indétermination qui est impliquée dans la structure du système nerveux, et en vue de laquelle ce système paraît avoir été construit bien plutôt qu’en vue de la représentation. De cette indétermination, acceptée comme un fait, nous avons pu conclure à la nécessité d’une percep­tion, c’est-à-dire d’une relation variable entre l’être vivant et les influences plus ou moins lointaines des objets qui l’intéressent. D’où vient que cette percep­tion est conscience, et pourquoi tout se passe-t-il comme si cette conscience naissait des mouvements intérieurs de la substance cérébrale ?

Pour répondre à cette question, nous allons d’abord simplifier beaucoup les conditions où la perception consciente s’accomplit. En fait, il n’y a pas de perception qui ne soit imprégnée de souvenirs. Aux données immédiates et présentes de nos sens nous mêlons mille et mille détails de notre expérience passée. Le plus souvent, ces souvenirs déplacent nos perceptions réelles, dont nous ne retenons alors que quelques indications, simples « signes » destinés à nous rappeler d’anciennes images. La commodité et la rapidité de la percep­tion sont à ce prix ; mais de là naissent aussi les illusions de tout genre. Rien n’empêche de substituer à cette perception, toute pénétrée de notre passé, la perception qu’aurait une conscience adulte et formée, mais enfermée dans le présent, et absorbée, à l’exclusion de tout autre travail, dans la tâche de se mouler sur l’objet extérieur. Dira-t-on que nous faisons une hypothèse arbitraire, et que cette perception idéale, obtenue par l’élimination des acci­dents individuels, ne répond plus du tout à la réalité ? Mais nous espérons précisément montrer que les accidents individuels sont greffés