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ferait une boussole qu’on déplace, la position d’une certaine image déterminée, mon corps, par rapport aux images environ­nantes. Dans l’ensemble de la représentation, ils sont fort peu de chose ; mais ils ont une importance capitale pour cette partie de la représentation que j’appelle mon corps, car ils en esquissent à tout moment les démarches virtuel­les. Il n’y a donc qu’une différence de degré, il ne peut y avoir une différence de nature, entre la faculté dite perceptive du cerveau et les fonctions réflexes de la moelle épinière. La moelle transforme les excitations subies en mouve­ments exécutés ; le cerveau les prolonge en réactions simplement naissantes ; mais, dans un cas comme dans l’autre, le rôle de la matière nerveuse est de conduire, de composer entre eux ou d’inhiber des mouvements. D’où vient alors que « ma perception de l’univers » paraisse dépendre des mouvements internes de la substance cérébrale, changer quand ils varient et s’évanouir quand ils sont abolis ?

La difficulté de ce problème tient surtout à ce qu’on se représente la substance grise et ses modifications comme des choses qui se suffiraient à elles-mêmes et qui pourraient s’isoler du reste de l’univers. Matérialistes et dualistes s’accordent, au fond, sur ce point. Ils considèrent à part certains mouvements moléculaires de la matière cérébrale : alors, les uns voient dans notre perception consciente une phosphorescence qui suit ces mouvements et en illumine la trace ; les autres déroulent nos perceptions dans une conscience qui exprime sans cesse à sa manière les ébranlements moléculaires de la substance corticale : dans un cas comme dans l’autre, ce sont des états de notre système nerveux que la perception est censée dessiner ou traduire. Mais le système nerveux