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s avoir étudié tour à tour, en effet, la perception pure et la mémoire pure, il nous restait à les rapprocher l’une de l’autre. Si le souvenir pur est déjà l’esprit, et si la perception pure serait encore quelque chose de la matière, nous devions, en nous plaçant au point de jonction entre la perception pure et le souvenir pur, projeter quelque lumière sur l’action réciproque de l’esprit et de la matière. En fait, la perception « pure », c’est-à-dire instantanée, n’est qu’un idéal, une limite. Toute perception occupe une certaine épaisseur de durée, prolonge le passé dans le présent, et participe par là de la mémoire. En prenant alors la perception sous sa forme concrète, comme une synthèse du souvenir pur et de la perception pure, c’est-à-dire de l’esprit et de la matière, nous resserrions dans ses plus étroites limites le problème de l’union de l’âme au corps. Tel est l’effort que nous avons tenté dans la dernière partie surtout de notre travail.

L’opposition des deux principes, dans le dualisme en général, se résout en la triple opposition de l’inétendu à l’étendu, de la qualité à la quantité, et de la liberté à la nécessité. Si notre conception du rôle du corps, si nos analyses de la perception pure et du souvenir pur doivent éclaircir par quelque côté la corrélation du corps à l’esprit, ce ne peut être qu’à la condition de lever ou d’atténuer ces trois oppositions. Examinons-les donc tour à tour, en présentant ici sous une forme plus métaphysique les conclusions que nous avons voulu tenir de la seule psychologie.

1º Si l’on imagine d’un côté une étendue réellement divisée en corpuscules, par exemple, de l’autre une conscience avec des sensations par elles-mêmes inextensives qui viendraient se projeter dans l’espace, on ne trouvera évidem­ment rien de commun