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mouvant à tout moment le long de l’intervalle qui les sépare, les retrouve ou plutôt les crée à nouveau sans cesse : sa vie consiste dans ce mouvement même. Alors nous comprenons pourquoi les lois de l’association sont la ressemblance et la contiguïté plutôt que d’autres lois, et pourquoi la mémoire choisit, parmi les souvenirs semblables ou contigus, certaines images plutôt que d’autres images, et enfin comment se forment, par le travail combiné du corps et de l’esprit, les premières notions générales. L’intérêt d’un être vivant est de saisir dans une situation présente ce qui ressemble à une situation antérieure, puis d’en rapprocher ce qui a précédé et surtout ce qui a suivi, afin de profiter de son expérience passée. De toutes les associations qu’on pourrait imaginer, les associations par ressemblance et par contiguïté sont donc d’abord les seules qui aient une utilité vitale. Mais pour comprendre le mécanisme de ces associations et surtout la sélection en apparence capricieuse qu’elles opèrent entre les souvenirs, il faut se placer tour à tour sur ces deux plans extrêmes que nous avons appelés le plan de l’action et le plan du rêve. Dans le premier ne figurent que des habitudes motrices, dont on peut dire que ce sont des associations jouées ou vécues plutôt que représentées : ici, ressemblance et contiguïté sont fondues ensemble, car des situations extérieures analogues, en se répétant, ont fini par lier certains mouvements de notre corps entre eux, et dès lors la même réaction automatique dans laquelle nous déroulerons ces mouvements contigus extraira aussi de la situation qui les occasionne sa ressemblance avec les situations antérieures. Mais à mesure qu’on passe des mouvements aux images, et des images plus pauvres aux images plus riches, ressemblance et contiguïté se