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que l’association­nisme a brouillé et confondu tous les plans de conscience différents, s’obsti­nant à ne voir dans un souvenir moins complet qu’un souvenir moins com­plexe, alors que c’est en réalité un souvenir moins rêvé, c’est-à-dire plus proche de l’action et par là même plus banal, plus capable de se modeler, — comme un vêtement de confection, — sur la nouveauté de la situation présente. Les adversaires de l’associationnisme l’ont d’ailleurs suivi sur ce terrain. Ils lui reprochent d’expliquer par des associations les opérations supérieures de l’esprit, mais non pas de méconnaître la vraie nature de l’association elle-même. Là est pourtant le vice originel de l’associationnisme.

Entre le plan de l’action, — le plan où notre corps a contracté son passé en habitudes motrices, — et le plan de la mémoire pure, où notre esprit conserve dans tous ses détails le tableau de notre vie écoulée, nous avons cru apercevoir au contraire mille et mille plans de conscience différents, mille répétitions intégrales et pourtant diverses de la totalité de notre expérience vécue. Compléter un souvenir par des détails plus personnels ne consiste pas du tout à juxtaposer mécaniquement des souvenirs à ce souvenir, mais à se transporter sur un plan de conscience plus étendu, à s’éloigner de l’action dans la direction du rêve. Localiser un souvenir ne consiste pas davantage à l’insérer mécani­quement entre d’autres souvenirs, mais à décrire, par une expansion croissante de la mémoire dans son intégralité, un cercle assez large pour que ce détail du passé y figure. Ces plans ne sont pas donnés, d’ailleurs, comme des choses toutes faites, superposées les unes aux autres. Ils existent plutôt virtuellement, de cette existence qui est propre aux choses de l’esprit. L’intelligence, se