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t, au contraire, la reconnaissance se fait activement, par des images-souvenirs qui se portent au-devant de la perception présente ; mais alors il faut que ces souvenirs, au moment de se poser sur la perception, trouvent moyen d’actionner dans le cerveau les mêmes appareils que la perception met ordinairement en jeu pour agir : sinon, condamnés d’avance à l’impuissance, ils n’auront aucune tendance à s’actualiser. Et c’est pourquoi, dans tous les cas où une lésion du cerveau atteint une certaine catégorie de souvenirs, les souvenirs atteints ne se ressemblent pas, par exemple, en ce qu’ils sont de la même époque, ou en ce qu’ils ont une parenté logique entre eux, mais simplement en ce qu’ils sont tous auditifs, ou tous visuels, ou tous moteurs. Ce qui paraît lésé, ce sont donc les diverses régions sensorielles et motrices ou, plus souvent encore, les annexes qui permettent de les actionner de l’intérieur même de l’écorce, bien plutôt que les souvenirs eux-mêmes. Nous sommes allés plus loin, et, par une étude attentive de la reconnaissance des mots ainsi que des phénomènes de l’aphasie sensorielle, nous avons essayé d’établir que la reconnaissance ne se faisait pas du tout par un réveil mécanique de souve­nirs assoupis dans le cerveau. Elle implique, au contraire, une tension plus ou moins haute de la conscience, qui va chercher dans la mémoire pure les souvenirs purs, pour les matérialiser progressivement au contact de la percep­tion présente.

Mais qu’est-ce que cette mémoire pure, et que sont ces souvenirs purs ? En répondant à cette question, nous complétions la démonstration de notre thèse. Nous venions d’en établir le premier point, à savoir que la mémoire est autre chose qu’une fonction du cerveau. Il nous restait à montrer, par