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mathématicien, exprimant avec plus de précision une idée du sens commun, définit la position par la distance à des points de repère ou à des axes, et le mouvement par la variation de la distance. Il ne connaît donc du mouvement que des changements de longueur ; et comme les valeurs absolues de la distance variable entre un point et un axe, par exemple, expriment tout aussi bien le déplacement de l’axe par rapport au point que celui du point par rapport à l’axe, il attribuera indifféremment au même point le repos ou la mobilité. Si donc le mouvement se réduit à un changement de distance, le même objet devient mobile ou immobile selon les points de repère auxquels on le rapporte, et il n’y a pas de mouvement absolu.

Mais les choses changent déjà d’aspect quand on passe des mathématiques à la physique, et de l’étude abstraite du mouvement à la considération des changements concrets qui s’accomplissent dans l’univers. Si nous sommes libres d’attribuer le repos ou le mouvement à tout point matériel pris isolé­ment, il n’en est pas moins vrai que l’aspect de l’univers matériel change, que la configuration intérieure de tout système réel varie, et que nous n’avons plus le choix ici entre la mobilité et le repos : le mouvement, quelle qu’en soit la nature intime, devient une incontestable réalité. Admettons qu’on ne puisse dire quelles parties de l’ensemble se meuvent ; il n’y en a pas moins du mouve­ment dans l’ensemble. Aussi ne faut-il pas s’étonner si les mêmes penseurs qui considèrent tout mouvement particulier comme relatif traitent de la totalité des mouvements comme d’un absolu. La contradiction a été relevée chez Descartes, qui, après avoir donné à la thèse de la relativité sa forme la plus radicale en affirmant que tout mouvement