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Chapitre IV


De la délimitation et de la fixation des images.
Perception et matière. Âme et corps.


Une conclusion générale découle des trois premiers chapitres de ce livre : c’est que le corps, toujours orienté vers l’action, a pour fonction essentielle de limiter, en vue de l’action, la vie de l’esprit. Il est par rapport aux représen­tations un instrument de sélection, et de sélection seulement. Il ne saurait ni engendrer ni occasionner un état intellectuel. S’agit-il de la perception ? Par la place qu’il occupe à tout instant dans l’univers, notre corps marque les parties et les aspects de la matière sur lesquels nous aurions prise : notre perception, qui mesure justement notre action virtuelle sur les choses, se limite ainsi aux objets qui influencent actuellement nos organes et préparent nos mouvements. Considère-t-on la mémoire ? Le rôle du corps n’est pas d’emmagasiner les souvenirs, mais simplement de choisir, pour l’amener à la conscience distincte par l’efficacité réelle qu’il lui confère, le souvenir utile, celui qui complétera et éclaircira la situation présente en vue de l’action finale. Il est vrai que cette seconde sélection est beaucoup moins rigoureuse que la première, parce que notre expérience passée est une expérience individuelle