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tre question ici d’aborder les problèmes de pathologie mentale : nous ne pouvons cependant les éluder entièrement, puisque nous cherchons à déterminer la relation exacte du corps à l’esprit.

Nous avons supposé que l’esprit parcourait sans cesse l’intervalle compris entre ses deux limites extrêmes, le plan de l’action et le plan du rêve. S’agit-il d’une décision à prendre ? Ramassant, organisant la totalité de son expérience dans ce que nous appelons son caractère, il la fera converger vers des actions où vous trouverez, avec le passé qui leur sert de matière, la forme imprévue que la personnalité leur imprime ; mais l’action ne sera réalisable que si elle vient s’encadrer dans la situation actuelle, c’est-à-dire dans cet ensemble de circonstances qui naît d’une certaine position déterminée du corps dans le temps et dans l’espace. S’agit-il d’un travail intellectuel, d’une conception à former, d’une idée plus ou moins générale à extraire de la multiplicité des souvenirs ? Une grande marge est laissée à la fantaisie d’une part, au disce­rnement logique de l’autre : mais l’idée, pour être viable, devra toucher à la réalité présente par quelque côté, c’est-à-dire pouvoir, de degré en degré et par des diminutions ou contractions progressives d’elle-même, être plus ou moins jouée par le corps en même temps que représentée par l’esprit. Notre corps, avec les sensations qu’il reçoit d’un côté et les mouvements qu’il est capable d’exécuter de l’autre, est donc bien ce qui fixe notre esprit, ce qui lui donne le lest et l’équilibre. L’activité de l’esprit déborde infiniment la masse des souve­nirs accumulés, comme cette masse de souvenirs déborde infiniment elle-même les sensations et les mouvements de l’heure présente ; mais ces sensa­tions et ces mouvements conditionnent