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il fait partie des images ; et c’est pourquoi l’entreprise est chi­mérique de vouloir localiser les perceptions passées, ou même présentes, dans le cerveau : elles ne sont pas en lui ; c’est lui qui est en elles. Mais cette image toute particulière, qui persiste au milieu des autres et que j’appelle mon corps, constitue à chaque instant, comme nous le disions, une coupe transversale de l’universel devenir. C’est donc le lieu de passage des mouvements reçus et renvoyés, le trait d’union entre les choses qui agissent sur moi et les choses sur lesquelles j’agis, le siège, en un mot, des phénomènes sensori-moteurs. Si je représente par un cône SAB la totalité des souvenirs accumulés dans ma mémoire, la base AB, assise dans le passé, demeure immobile, tandis que le sommet S, qui figure à tout moment mon présent, avance sans cesse, et sans cesse aussi touche le plan mobile P de ma représentation actuelle de l’univers. En S se concentre l’image du corps ; et, faisant partie du plan P, cette image se borne à recevoir et à rendre les actions émanées de toutes les images dont le plan se compose.

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La mémoire du corps, constituée par l’ensemble des systèmes sensori-moteurs que l’habitude a organisés, est donc une mémoire quasi instantanée à laquelle la véritable mémoire du passé sert de base. Comme elles ne consti­tuent pas deux choses séparées, comme la première n’est, disions-nous, que la pointe mobile insérée par la seconde dans le plan mouvant de l’expérience, il est naturel que ces deux fonctions se prêtent un mutuel appui. D’un côté, en effet, la mémoire du passé pré