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rieurs, c’est la connexion qui est parfaite, puisque ces objets obéissent à des lois nécessaires ; mais alors l’autre condition, la présentation à la conscience, n’est jamais que partielle­ment remplie, car l’objet matériel, justement en raison de la multiplicité des éléments inaperçus qui le rattachent à tous les autres objets, nous paraît renfermer en lui et cacher derrière lui infiniment plus que ce qu’il nous laisse voir. — Nous devrions donc dire que l’existence, au sens empirique du mot, implique toujours à la fois, mais à des degrés différents, l’appréhension con­sciente et la connexion régulière. Mais notre entendement, qui a pour fonction d’établir des distinctions tranchées, ne comprend point ainsi les choses. Plutôt que d’admettre la présence, dans tous les cas, des deux éléments mêlés dans des proportions diverses, il aime mieux dissocier ces deux éléments, et attribuer ainsi aux objets extérieurs d’une part, aux états internes de l’autre, deux modes d’existence radicalement différents, caractérisés chacun par la présence exclusive de la condition qu’il faudrait déclarer simplement prépon­dérante. Alors l’existence des états psychologiques consistera tout entière dans leur appréhension par la conscience, et celle des phénomènes extérieurs, tout entière aussi, dans l’ordre rigoureux de leur concomitance et de leur succes­sion. D’où l’impossibilité de laisser aux objets matériels existants mais non perçus la moindre participation à la conscience, et aux états intérieurs non conscients la moindre participation à l’existence. Nous avons montré, au com­mencement de ce livre, les conséquences de la première illusion : elle aboutit à fausser notre représentation de la matière. La seconde, complémentaire de la première, vicie notre conception de l’esprit, en répandant sur l’idée de l’incon­scient