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par un objet extérieur. Cet organe est précisément construit en vue de permettre à une pluralité d’excitations simultanées de l’impressionner d’une certaine manière et dans un certain ordre en se distribuant, toutes à la fois, sur des parties choisies de sa surface. C’est donc un immense clavier, sur lequel l’objet extérieur exécute tout d’un coup son accord aux mille notes, provoquant ainsi, dans un ordre déterminé et en un seul moment, une énorme multitude de sensations élémentaires correspondant à tous les points intéressés du centre sensoriel. Maintenant, supprimez l’objet extérieur, ou l’organe des sens, ou l’un et l’autre : les mêmes sensations élémentaires peuvent être excitées, car les mêmes cordes sont là, prêtes à résonner de la même manière ; mais où est le clavier qui permettra d’en attaquer mille et mille à la fois et de réunir tant de notes simples dans le même accord ? À notre sens, la « région des images », si elle existe, ne peut être qu’un clavier de ce genre. Certes, il n’y aurait rien d’inconcevable à ce qu’une cause purement psychique actionnât directement toutes les cordes intéressées. Mais dans le cas de l’audition mentale, — le seul qui nous occupe, — la localisation de la fonction paraît certaine puisqu’une lésion déterminée du lobe temporal l’abolit, et d’autre part nous avons exposé les raisons qui font que nous ne saurions admettre ni même concevoir des résidus d’images déposés dans une région de la substance cérébrale. Une seule hypothèse reste donc plausible, c’est que cette région occupe, par rapport au centre de l’audition même, la place symétrique de l’organe des sens, qui est ici l’oreille : ce serait une oreille mentale.

Mais alors, la contradiction signalée se dissipe. On comprend,